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Cassons le thermomètre

(ceci n’est pas un article cochon, le jour où je parlerai de la rentabilisation de mon costume d’infirmière sadique, il sera en adult only)

Tout le monde sait comment je gagne la pâtée du chat et les robes desigual de ma fille. Ou presque. Pour ceux qui prendraient la saison en route, je torture des étudiants volontaires à l’expat en leur faisant travailler une des deux langues étrangères qu’ils sont tenus de parler avec leurs clients. J’ai fait ce boulot par sadisme, par goût du pouvoir et aussi parce, que quelque part, les poncifs sur le monde hispanique véhiculés par les manuels d’espagnol me donnaient envie de voter pour le suffrage censitaire et la peine de mort. Les publics d’ados et de jeunes adultes ne me déplaisent pas, quand ils pensent à se laver et à être polis (c’est mon côté Carmen Cru, sûrement, sinon on vivrait dans la sauvagerie). La plupart de mes collègues me semblent charmants et en général, sauf un ou deux creepers, je suis relativement toujours appréciée de ma hiérarchie. Tout pourrait être parfait mais comme tout français, j’aime râler, et vu que j’emmerde les gens qui font des défis anti-râlerie (c’est un peu de l’anorexie intellectuelle ce glad game à deux balles, râler c’est comme ingérer des calories, c’est nécessaire à la bonne marche de l’organisme), je vais quand même dire que le gouvernement en matière d’éducation, il chie dans la colle (remarque, les quatre ou cinq précédents aussi, c’est ça qui est cool).

Je n’émettrai pas d’opinion sur les rythmes scolaires, n’ayant pas d’enfant d’âge scolaire. Cela dit, le parent satisfait de ladite réforme a l’air aussi rare qu’une licorne rose un après-midi de juillet sur la Promenade Plantée. Personnellement, étant une charogne qui fait toujours passer son intérêt avant celui de son enfant, je veillerai, si la réforme est toujours de ce monde dans deux ans, à bien m’assurer que je suis dans une commune proposant des activités sympathiques, et surtout la classe le mercredi. J’ai assez souffert étant gosse de l’école le samedi matin pour ne pas l’imposer à ma progéniture.

Mais passons à ce qui pourrait me concerner professionnellement un jour (shazam!) : la réflexion sur les notes. Comme tout le monde le sait, je suis au bout de la chaîne alimentaire: je récupère des gens qui ont entre dix et presque vingt ans d’évaluations dans les pattes. Et bordel de queue, le résultat ne donne pas envie. Parce que beaucoup ont été habitués à se faire noter royalement et bam! se retrouver avec des points-fautes, ça nuit au teint.

Je m’explique: j’ai sévi dans le secondaire, je sais qu’en général, mettre 11 à un élève moyen (qui est pour moi la note qu’il mérite: on valorise qu’il se maintienne la tête hors de l’eau, mais on lui signifie qu’il ne fait pas des étincelles) c’est déjà un drame en soi. A l’Iufm, ils avaient même un module pour t’expliquer qu’il fallait tout valoriser. En gros, tu pars de 11 parce que l’élève est déjà gentil de jouer le jeu (je n’invente rien, j’ai des témoins). Résultat: on plafonne pour les excellents et on ne se raffine pas en sadisme pour les très mauvais. Faut pas perturber la jeunesse avec une sale note. Sauf que pour moi, un 2 et un 8 ne veulent pas dire la même chose. Un 2, c’est « hors sujet, tu es à la rue, sors-toi les doigts du cul, on peut en parler si tu veux ». Un 8, c’est plutôt « fais gaffe, tu n’as pas bien lu l’intitulé, ressaisis toi et on en parle si les symptômes persistent ». Les lycées habitués à préparer les gens aux filières sélectives le font et personne ne leur en veut. Comme disait une de mes premières collègues (une sale agrégée nazie, encore une): « si y’a des notes de 0 à 20 c’est qu’il y a une raison, le système où tu mets juste des mentions est pas assez explicite »; parce que quand tu as 38°C et 40°C, tu as de la fièvre, mais pas tout à fait le même besoin de courir aux Urgences les plus proches.

Bref, ton coco qui a toujours eu 14 juste en se sortant vaguement les doigts arrive à la fac et là c’est le drame. Les profs sont la réincarnation du grand Inquisiteur parce que même si t’as passé le weekend sur ta dissert, si tes idées sont moisies et ta problématique faiblarde, ils te rateront pas. La barre du bac s’est déplacée, elle est désormais à la fin de la licence, voire, dans certaines formations, du Master. Je ne suis pas certaine que le niveau général ait baissé: je dirai juste que peut être, il serait bon de revoir la carte des formations et que, non aller à la fac n’est pas forcément un droit.

Lancer une réflexion sur la notation, c’est peut être bien, mais si c’est juste pour ressasser des poncifs qu’on nous servait déjà y’a X temps quand j’étais stagiaire (le vert sur la copie pour valoriser, ja sehr gut puisque le vert traditionnellement sert à l’élève à noter ses fautes, et le rouge du professeur n’est pas forcément négatif: élève, puis étudiante, j’ai eu des + et des « très bien » en rouge dans la marge et contrairement à ce qui se prétend, jamais je ne les ai ressentis comme une injure à mon travail), cela n’ira pas très loin. Surtout si c’est pour resservir l’argument que les gosses sont stressés : si chez toi tu passes la soirée à regarder TF1 en bouffant du cordon bleu surgelé, chaque membre de la famille étant enfermé sur sa tablette, il y a de fortes chances que rendre une rédaction de vingt lignes (et je dis rédaction, et j’emmerde les nouveaux démagogues pédagogues -hihihi y’a gogue- qui veulent nous imposer « expression écrite ») avec des verbes au passé simple le fasse caguer dans son slip -moche- Spiderman. Ou, que, plus grand, il délire sur la maman de Victor Hugo en faisant vraiment de Twitter un endroit peu fréquentable. Le cerveau, c’est comme la liberté d’expression, cela ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas.

Je pense qu’on devrait repenser pourquoi on met une mauvaise note. Et être prêts à expliquer à la personne que l’on a en face pourquoi, avec un barème solide et de bons arguments. En général, peu sacquent gratuitement. Et je ne pense pas que les plus stressés soient les élèves loin de là. On ne s’interroge pas assez sur la pression que l’on met sur les professeurs, surtout les plus jeunes. Et la pression psychologique que cela peut représenter d’être remis en question dans son évaluation. Et là, je suis contente d’être à la fac et d’avoir pu mettre 5 au rattrapage au gus qui m’a confondu Porfirio Diaz et Peña Nieto, et dit que l’oligarchie mexicaine était avant tout terroriste.

Allez, je vous remet un classique pour la route. Parce qu’on ne va pas perturber ces pauvres petits outre mesure.

Et dire que fini les notes/faut juste leur envoyer des sms d’encouragement c’est à peine de la science fiction…