Archives pour la catégorie les bons manuels de survie de maman Garce

De l’attachement

Alors que le cadavre des vacances est encore doucement tiède, arrive lentement le moment attendu entre tous: la rentrée. J’ai envie de dire: pas trop tôt, les vacances, ça commençait à devenir usant (et comme me revoilà habitant en bord de mer, j’ai envie de dire que cela ne m’empêchera pas d’aller à la plage…), et l’idée de retrouver ma boîte (suspense: aurai-je enfin ce fucking bureau, c’est bien la peine d’avoir enfin un poste fixe si je ne peux pas accrocher mon affiche de la Loi du Désir) m’émeut au plus haut point.

Mais juste avant, j’ai une mission : déposer mon enfant à la maternelle pour la première fois. Autant te dire, cher petit foutriquet, que j’attends la chose non sans une certaine impatience, me frottant les mains en me demandant au bout de combien de temps la chair de ma chair dira à ses petits camarades tout le bien que je pense de Frozen et de son rituel homoérotique et incestueux (si toi aussi tu veux défoncer les dessins animés idoles des jeunes, fais comme moi, utilise des termes choisis) : autant te dire qu’elle verra Queen Kelly  (ou même la Loi du Désir)avant que ce machin passe sur un des écrans de ma maison.

Autrement dit, jamais. Ou tardivement.

La rentrée ne me colle aucune appréhension en elle-même: je me dois même de remercier vigipirate renforcé +++, je n’aurai pas à rentrer dans l’établissement (que j’ai déjà visité, je te rassure) et à me farcir la célèbre diatribe de l’éternelle mère Maiasaura, qui est partout et qui croit que la maternité parfaite, c’est coller son gamin (quand il aura 18 ans et partira à la fac/l’Armée/l’usine elle fera une dépression).

En général, cette délicate créature s’est regonflée à bloc avec ses semblables sur les forums dédiés à son espèce quelques jours avant, histoire de; de leur cogitation surgissent deux mantras : « quand même trois ans c’est trop petit » et  » c’est un jour supeeeer important pour moi, parce que je voudrais devenir une petite souris et y voir ce qu’il s’y passe tous les jours ». Les deux convergent vers un seul même point: « oui, mon môme est démoulé depuis trois ans et je suis pas encore cap de faire autre chose de ma vie ».

Je n’aurais pas grand chose contre Maiasaura, après tout chacun fait ce qu’il veut de son postérieur. Mais le souci, c’est que ce type de créature se croit définitivement soit  mainstream (et dans ce cas tout le monde est comme elle), soit a lu sur un site quelconque (mais adroit à la culpabilisation des parents, et surtout des mères) que le petit enfant devrait rester collé à sa môman jusqu’à cinq ans. Dans les deux cas de figure, tu prieras très fort Cthulhu, le monstre en Spaghetti géant ou le dieu du coup de pied au cul que ta progéniture ne devienne pas amie avec le fruit de son utérus. Quoique, elle pourrait lui apprendre des mots que Maiasaura sera obligée de chercher dans le dictionnaire, et ça, ça n’a pas de prix. (ou alors elle te requestera en amie FB)

Soyons honnêtes: merci vigipirate, tu vas me faire gagner une matinée.

En vrac (parce qu’on est pas impunément mort trop longtemps)

Les gens, j’ai défuncté un peu plus d’un mois. La honte. Tu t’imaginais peut-être que j’étais au trou pour avoir occis Zoubida, Kévin, Micheline et Moussa après qu’ils m’aient envoyé trois cents mails du type « madame, je me permets de vous écrire pour vous dire que je serais pas là mardi alors que j’ai exposer ». Oui, les L1 c’est parfois facétieux. Ou alors que j’ai meuré parce que mon vrai mari a des exigences (objection, monsieur le président, la seule obsession de mon vrai mari, c’est que je finisse mon roman et que je monte mon film).

Mais j’ai un bon alibi pour tous les crimes: c’était le grand sabbat de mon labo, et vois-tu, je suis sensible à ce concept qui veut qu’on se réunisse tous pour parler de trucs cools (comme les blogs,  la narratologie, les politiques éditoriales) devant un café et des petits gâteaux. Et puis aller dans un resto avec TOUS mes anciens profs (qui sont maintenant des collègues du coup) discuter politique, sacs à main et sécurité routière, c’est mieux que de me retrouver avec des gens qui ont l’indécence de porter toute la conversation du repas sous leur ceinture. Que veux-tu, on la refait pas.

Du coup, j’ai plein de choses à raconter. Je t’épargnerai la discussion sur le fisc et les impôts locaux avec mes collègues, l’esprit c’était un peu que tant qu’à faire de voter socialiste autant qu’on rigole pas jaune à chaque fois qu’ils ouvraient la bouche, on veut plus de postes d’abord.

Par ordre de grandeur, d’importance et de validité, je déclare donc que:

1. J’ai vu« Tout est faux ». Il y’a des mois que je t’assène cette vérité: le cinéma français est bien bien mort -ou presque, j’avais bien aimé Les combattants cet été, il faudrait que j’aille voir Bande de filles-, je supporte plus ces films où les gens ont des salles de bains immenses en plein Paris tout en faisant des jobs quelconques et en étant pas héritiers, et où limite l’argent et les relations poussent sur les arbres; tout le monde est le meilleur de sa branche, tout ça. Le tout interprété par des gens que l’on a vu et revus (certains sont très bons, je ne le nie pas). Et puis, par des péripéties qui n’ont pas spécialement leur place ici, je suis tombée sur Tout est faux, film autoproduit de Jean-Marie Villeneuve. Et c’est la première fois que je vois un film aussi juste sur le Paris de ces dernières années, qui permet tellement de toucher du doigt la réalité de l’année 2012. Oui, les appartements à Paris intra-muros sont souvent minuscule. Oui, la présidentielle a été une vaste mascarade. Oui, nous sommes souvent très seuls face à tout ce bruit et toute cette fureur. Et à côté de cela, le traitement de l’image donne une poésie et une inventivité que je n’avais pas retrouvées depuis longtemps. Je n’ai qu’un conseil: allez-y -d’ailleurs il y a une diffusion ce soir au Saint-André des Arts en présence de l’équipe, sinon je crois qu’il sera encore à l’affiche tous les samedis de novembre dans le même cinéma-. Très sincèrement, vous ne regretterez pas. (des tas de gens mieux que moi en ont parlé sinon, jetez un oeil au Masque et la Plume de la semaine dernière entre autres…)

2. Avec un peu de chance, c’est parti pour rentrer au bled en février. J’ai déjà prévenu pour les tacos de mantaraya, il faut juste que je pense maintenant à faire mes devoirs (concrètement, finir de monter mon film et écrire ENCORE un truc sur la science-fi mexicaine). Et deux trois autres trucs d’ordre moins marrant, mais on survivra. En gros, le même truc qu’il y a quatre ans, que j’avais limite liveblougué sur l’ancienne plateforme. Y’aura moyen de jouer aux cinq différences.

3. Je fais parfaitement le mudcake.  Comme j’ai l’impression que personne a encore lancé la mode sur la connassosphère (tu sais, les blogs des nanas qui ont le temps de pondre un billet par jour avec des photos réflex parce qu’elles ont -vraiment volontairement- pas de vrai travail*), c’est avec joie, bonheur et volupté que je suis en train d’engraisser mes proches avec cette effroyable combinaison guimauve fondue/génoise au chocolat/crème au beurre. J’ai juste pas le temps de faire des photos, duckface à côté et lolilol je suis la meilleure de tous les temps. A la place, je me suis vendue à la crèche de ma fille, histoire de rigoler un peu (j’ai un peu trop vu la scène de Her où la copine du protagoniste lui montre son jeu vidéo pour être une perfect mum, alas). Au moins comme ça j’aurai pas à distribuer des coups de cuiller en bois pendant que je cuisine. Et puisque t’es un petit curieux, je t’invite à attendre lundi pour la recette, tu épateras ta belle-mère (à éviter si la dame est diabétique).

Voilà, j’ai dit, j’ai ressuscité. Avec un peu de chance je pondrai plus d’articles dans les jours à venir.

*photographe expérimental est un vrai travail, même si t’es pas super voir pas du tout payé. Pâtissier aussi. Non, je parle de cette twilight zone des gâteaux moches entre les deux, qui sert juste à dire « vazy Betty Crocker, sponsorise-moi ». Le pire du pire du pire étant quand s’y joignent des clichés de leurs enfants barbouillés de crème. Maman garce espère sincèrement que les enfants de ces dames prêtes à vendre un rein pour ne pas payer à vie dans un parc à thème deviendront des militants antisystème vivant en yourte et mangeant des pousses crues. Même que j’en viens à penser que ça doit être plus reposant (d’ailleurs, j’en connais qui l’ont fait et qui ont l’air de fort bien se porter).

Petit manuel à l’usage du prof de langues débutant

Hier c’était la rentrée. Aussitôt, on a ressorti tous les vieux marronniers de saison, et on les a secoués afin qu’ils crachent leurs fruits. Après, on se serait crus à Privas un jour de marché d’octobre.

La rentrée, cette plaie. Marronnier officiel des médias français since l’an de grâce MMLXV (au moins)

Ce n’est pas un mystère, j’exerce (parfois à mon corps défendant, mais il faut hélas payer la pâtée du chat et les ordinateurs que ma fille jette, that’s why pas d’article la semaine dernière d’ailleurs) la profession abhorrée d’enseignante agrégée de langues. Et encore, j’ai putain de la chance (j’ai pas passé l’agrég pour rien nan plus), le gros de mon travail consiste à expliquer l’Histoire contemporaine à des juristes, pas à me faire chier avec des 4e et des autels des morts à la gloire de Frida Kahlo. Ce qui est bien à la rentrée c’est que je vois finalement que j’ai le cuir dur: je m’en tape de bosser à plus de 200 km de mon domicile, de gagner moins qu’un plombier à bac+8 et d’écouter, encore et encore, la délicieuse litanie de « mon prof était un connard, mes parents m’ont obligé alors que je voulais faire allemand » (moi aussi, mais à moyen terme l’espagnol est quand même plus utile, soyons réalistes, et c’est la fan de Lang et de musique symphonique qui vous parle), de ne pas choisir exactement mes vacances (et de souhaiter le pal aux ducons qui me prennent pour une blogueuse connasse tentant le CRPE parce que  » c’est quand même trop cool d’avoir les mêmes vacances que ses enfants »… comment dire, heu, une semaine c’est largement suffisant pendant l’année).

Comme ça fait un certain nombre d’années que je suis seriale knouteuse (en fait, en cumulant toutes mes années de sévices divers sur la jeunesse, cela fera dix ans cet hiver), je me dis que je peux édifier les jeunes générations sur comment c’est trop bien d’être prof de langue, loin des poncifs qu’ils vont entendre ça et là, chez nos amis de la formation pour qui la culture s’arrête à deux trois clichés (en espagnol, le taureau Osborne, Che Guevara et les autels des morts, pour les autres langues, vous pouvez compléter) et chez leurs petits collègues qui ont eu le concours dans un Kinder Surprise (ça existe hélas, croisé un ou deux profs d’anglais qui ne comprenaient pas pourquoi on étudiait Maugham en terminale entre autres… -la non-prof d’anglais que je suis aurait très envie de dire « parce que c’est bien et que y’a du vocabulaire super top dedans »-).

« Madame madame on voit ses corones au toro ». Ou comment se retrouver comme un con grâce à une pub pour le porto.

. Bref, petits rookies, ouvrez vos ouïes, vous ne vous en porterez que mieux:

1. On peut tout faire manger à un groupe. Ok, évitez de filer El Buscon à des 4e qui savent à peine lire en français. Mais commencer l’année par un texte que vous connaissez bien et que vous aimez vraiment beaucoup ça aide énormément. Parce que vous connaîtrez les moindres ambiguïtés du document et que du coup vous serez capables de diagnostiquer ce qui risque de marcher ou pas avec ce groupe (y compris leur côté branleur ou leur superconnard attitude, non le groupe parfait n’existe pas). Life so short and love so brief: avec Internet et les banques de données en ligne, vous devriez pouvoir vous passer de manuel (surtout que ceux de ces dernières années sont carrément de la daube en boîte) et ne pas vous escrimer avec des trucs qui vous emmerdent. Le programme ne dit nulle part qu’il faut passer son temps à parler des taureaux, de la famille royale (quoi que y’a des trucs marrants à raconter avec les petites affaires de Don Inaki, dans un esprit purement GOT il y a terriblement moyen de s’amuser). Ni qu’il faille utiliser les manuels. Ne perdez pas de temps, faites ce que vous aimez (sauf si ce que vous aimez c’est la pêche à la truite en Alaska). Sors toi les doigts du cul, petit, et arrête de demander des supports à tout le monde (sauf s’il s’agit d’une copie full HD de Mort d’un Bureaucrate)

Boromir - Ahí se salva todo dios
Oui, en théorie les textes disent qu’on peut s’en servir en cours: c’est un document original en langue étrangère.

2. Sois multisupport et utilise à fond les nouvelles technologies. Tu peux tomber sur des trous noirs de la galaxie où certains utilisent encore des cassettes vidéo. Ne te laisse pas abattre: le matos miniature existe. En plus, tu peux le dégrever de tes impôts. Crée une adresse mail où tu enverras les supports à tes élèves: cela te permettra d’éviter les excuses à la con du genre « j’ai perdu mon texte », « j’étais pas là » et autres mantras chéris des branlotins de tout poil. Avec les internets, fistés les morveux (et qu’on vienne pas me chanter l’air de la fracture numérique, TOUT le monde a un accès internet, d’une manière ou d’une autre).

3. Comme l’oral c’est le bien, n’oublie pas de leur montrer des films. Evite tous ceux qui reviennent un peu trop souvent (pour l’espagnol, Diarios de Motocicleta, El Espiritu de la Colmena ou encore La Lengua de las Mariposas sont putain à éviter): un branleur qui a déjà vu le film va te pourrir la séance. Surprends le peuple avec des bons gros trucs destroy comme Juan de los Muertos, les films d’Alex de La Iglesia ou les premiers Almodovar. N’oublie pas de leur coller une fiche à remplir entre les pattes pour qu’ils évitent de remettre leurs doigts dans leur postérieur pendant la séance.

4. Sois neutre. La bienveillance c’est bien entre gens bienveillants, mais si tu es un prof de langue tu es minimum avec des gens de 12 ans, autrement dit s’ils ont décidé de rien foutre, c’est pas en étant choupi que tu vas faire rentrer quoi que ce soit dans leur tête.  Sois exigeant avec tout le monde, en sachant clairement que ce qui est gratifiant, c’est un élève moyen qui devient bon ou un faible qui devient moyen. Pas un bon qui reste bon.

5. Essaie de chopper des collègues qui ont les mêmes idées que toi et fais corps avec. Parfois, ce sera curieusement avec des gens plus âgés, n’ayant pas les mêmes méthodes que toi (je vomis le mot « pratique » chéri de nos amis les pédagoguenots, un peu comme « tâche » et « apprenant »), mais les mêmes ambitions. Là encore, tu ne peux pas aimer tout le monde ni être aimé de tout le monde, mais parfois c’est très bon de savoir qu’un mec que tu as viré parce qu’il te prenait pour une andouille le faisait aussi en cours de chimie ou de droit constitutionnel. Ou que l’autre prof de langue utilise les mêmes logiciels que toi.

Contrairement à ce qui se dit, il y a encore moyen de survivre dans la profession sans bosser comme un demeuré. Et pour les relous, deux réponses possibles: « c’est pas parce que quand tu es allé aux urgences on t’a fait un toucher rectal par erreur que tous les médecins sont des enfoirés, eh bien c’est pareil pour les profs de langue » et « m’en parle pas, chus obligé de commencer à économiser pour la babysitter dans les années à venir. Parce que moi les vacances c’est une semaine de BNF au moins ».

 

Sur ce, bonne année.